Le shtetl

Les Juifs représentent environ 10 % de la population polonaise, soit 2,9 millions de personnes en 1921 et 3,1 millions en 1931. Dans certaines grandes villes, leur pourcentage atteint et parfois même dépasse 30 % : c'est le cas à Varsovie, Lodz, Lvov et Lublin. Ou bien entre 20 et 30 %, comme à Cracovie, Vilno et Czenstochova.

Les shtetlekh sont des agglomérations intermédiaires entre les mondes rural et urbain. Dans ceux-ci, la proportion de Juifs peut être encore plus élevée : par exemple, à Jablonna-Legionowo, les Juifs représentent 50 % de la population au début du XXe siècle, après un pic à 65 % à la fin du XIXe siècle ; à Falenitz-Miedzeszyn, les Juifs représentent 65 % de la population dans les années trente, et pendant les vacances, la population juive double ; à Zelechow, les Juifs représentent 70 % de la population au début du XXe siècle.

Quels que soient les pourcentages, la vie est séparée : structure économique spécifique, langue différente, organisation communautaire propre, qu'elle soit religieuse ou politique. Tout concourt à créer une vie juive particulière, dans des quartiers délimités des grandes villes et surtout dans les petites villes. Cette vie juive se heurte en permanence à l'hostilité, voire aux pogroms. La pléthore des petits métiers - majorité de commerçants et d'artisans - crée la yidishe gas (la rue juive) et la mark platz (la place du marché), avec leur agitation tant décrite dans les souvenirs, leurs enseignes tant montrées sur les photos, leurs histoires tant présentes dans la littérature. La langue différente, quels que soient les débats linguistiques, fonde l'appartenance à la Communauté. Tout cela forge la Yiddishkeït. Les structures de représentation de la Communauté sont spécifiques sur le plan religieux, par définition, et le deviennent sur le plan politique au travers du débat sur l'autonomie culturelle et politique et la nécessité d'organiser séparément les masses juives.

Mais contrairement à l'image qui en est parfois donnée, le shtetl n'est pas une société immuable, emprunte de tradition. Il est au contraire confronté à tous les bouleversements de ce début de siècle, fondés sur les changements économiques de la société dans son ensemble et renforcés par les mesures discriminatoires contre les Juifs. Le shtetl est traversé par les conflits entre modernité et tradition, sur les plans religieux, social, politique et culturel. D'autant que la population est jeune : dans les années trente, la moitié a moins de vingt ans. Les différenciations marquent cette société en mouvement et expliquent l'ampleur de ses débats et de ses conflits internes.

L'image des vieux Juifs pieux est une réalité, mais parmi les religieux eux-mêmes se différencient plusieurs courants. L'image des manifestations de masse est une réalité qui témoigne d'une radicalisation, mais de plus en plus de Juifs tentent d'émigrer, faute d'espoir sur place. L'image de la pauvreté est une réalité, mais qui masque les écarts au sein de la société juive. Et même parmi les pauvres, tous ne sont pas les shnorer (les mendiants) de la littérature, et les photos juxtaposent haillons et vêtements à la mode.

Toutes ces composantes existent en même temps, loin d'une société immobile, idée que contribue à forger le fait qu'elle se soit figée dans la disparition. Les Livres du souvenir, en particulier ceux de Zelechow et de Falenitz, rendent compte de cette diversité, de la synagogue au mouvement révolutionnaire, de la cour du rabbin aux mouvements de jeunesse, de l'atelier artisanal aux romanciers.

Sources :
Les Juifs en Pologne, Pawel Korzec, Presses de la FNSP, 1980.
Le Shtetl, Rachel Ertel, Payot, 1986.

Images d'un shtetl avant la guerre : Zelechow

Vues de la ville

Un shtetl : Zelechow. La rue Senatorska Un shtetl : Zelechow. Vue générale.

Source : The vanished world, R. Abramovitch & R. Vishniak, Forward Association, New York, 1947.

Scènes de la vie

Les rues de Zelechow Modes de vie pieux traditionnels. Rabbins et bedeaux en délégation (la même photo, sur une autre page, indique qu'ils vont à une circoncision) ; le rabbin Cohen et son gendre ; groupe de sionistes ; cérémonie : Tashliekh (qui consiste à jeter ses méfaits dans la rivière. Le bus de Zelechow qui revient de Chanebranski M. … et son associé Le sacrificateur rituel (shoyklet) Marché Mairie (Rathaus)

Source : Livre du souvenir de Zelechow.

Zelechow : le Conseil municipal en 1938. Des Polonais et des Juifs… L'équipe de football des pompiers (réunit des Juifs et des Polonais). Parfois ils jouent séparément, parfois ils jouent ensemble… La synagogue La synagogue vue de l'arrière Le château Ordenga L'hôtel de ville et la "Komandantur" Des mendiantes devant l'église Le cloître de la paroisse de Zelechow do_119_p_small.jpg Une rue près de l'église Vue générale de Zelechow. À gauche (avec les deux tours) : l'église ; à droite (la façade crénelée) : la synagogue. La place du marché et la maison de Miedzyrecki Le nouveau quartier (nouvelle ville) Aller chercher de l'eau à la pompe

Source : Ma visite en octobre 2001 (images trouvées chez un habitant de Zelechow).

Les métiers dans les shtetlekh

Images des métiers

Vendeur de pantalons Vendeurs à la sauvette Le marché aux poissons La pâtisserie Un marchand ambulant de harengs La pompe à eau à Otwock (Otwock est très proche de Miedzeszyn). Mécanicien-rectifieur dans une fabrique de parapluies Le tailleur La couturière désoeuvrée do_126_p_small.jpg Buroch et Itzak Ryfman faisaient des tiges pour chaussures (Photo Alter Kacyzne)

Source : The vanished world, R. Abramovitch & R. Vishniak, New York, 1947

L'annuaire des professions

Voici quelques pages de l'annuaire des professions en Pologne en 1929. Elles donnent une idée des différents métiers dans les shtetlekh. Les pages présentées ici sont celles des shtetlekh des familles Milewski (Jablonna) et Ryfman (Miedzeszyn et Zelechow).

L'annuaire des professions en Pologne en 1929 : page de garde. L'annuaire des professions en Pologne en 1929 : la page sur Jablonna. L'annuaire des professions en Pologne en 1929 : la page sur Miedzeszyn. L'annuaire des professions en Pologne en 1929 : la page sur Zelechow. On retrouve quelques Ryfman sur cette page.

Source : Institut historique juif, Varsovie. Voir la page qui lui est consacré dans la partie « Méthodologie ».

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