Les camps de Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy

Les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret, étaient à l’origine des camps de prisonniers de guerre. Ils ont été utilisés pour interner les Juifs arrêtés au cours de la rafle du 14 mai 1941. Les Juifs étrangers convoqués – tous des hommes – dans les cinq points de rassemblement parisiens ont été conduits en autobus à la gare d’Orléans-Austerlitz, puis dans ces deux camps, qui étaient surveillés par des gendarmes français. Pendant l’été 1941, les visites familiales étaient autorisées. Pithiviers et Beaune-la-Rolande ont été vidés par quatre convois de déportation en juin-juillet 1942, en prévision de la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, durant laquelle les épouses et les enfants des internés et des familles entières ont été arrêtés. Lors de la rafle du Vel d’Hiv, les femmes avec enfants ont été envoyées à Pithiviers et Beaune-la-Rolande.

Le camp de Drancy a été créé le 20 août 1941 pour interner les Juifs de la rafle parisienne du XIe arrondissement. Il était constitué de vastes bâtiments de ciment armé destinés à des habitations à bon marché, inachevés en 1939 et utilisés d’abord par le gouvernement français pour y emprisonner des communistes, ensuite par les Allemands pour l’internement des prisonniers de guerre français, puis des civils britanniques, yougoslaves et grecs. Les bâtiments en forme de U (le « Fer à cheval ») se prêtaient facilement à la surveillance. Le camp était clôturé par une double rangée de barbelés, protégé par 19 postes avec projecteurs et 4 miradors.

Drancy était gardé, dirigé et administré par les autorités françaises : préfecture de police, avec, sous ses ordres, des effectifs de la gendarmerie et de la préfecture de la Seine pour le matériel, le ravitaillement et la surveillance médicale1. A l’extérieur, il était gardé par les gendarmes français. Le commandant français du camp était nommé par la préfecture de police. Le fonctionnement du camp était placé sous le contrôle du Service des affaires juives de la Gestapo, qui prononçait les internements et les libérations. Un commandement allemand contrôlait le commandement français :  Dannecker jusqu’au 16 juillet 1942, puis Röthke jusqu’en juillet 1943, puis enfin Aloïs Brunner. Avec l’arrivée de Brunner, chargé d’accélérer les déportations, l’administration française du camp a été relevée de ses fonctions, mais elle a continué d’assurer la garde extérieure.

Très vite après l’ouverture du camp, les conditions de vie devinrent insupportables et l’alimentation insuffisante. Deux mois après cette ouverture, près de 1 000 cas d’œdèmes et de cachexies dus à la faim étaient signalés. Le camp n’a regroupé que des hommes jusqu’à la rafle parisienne du 16 juillet 1942, qui a visé les familles. Dans un premier temps, les familles avec enfants ont été envoyées dans les camps du Loiret, tant que la décision de déporter les enfants n’était pas prise, puis à Drancy.

Les deux premiers convois de déportation, du 27 mars et du 5 juin 1942, sont passés par le camp de Compiègne, créé le 12 décembre 1941. Puis, à partir du troisième convoi, le 22 juin 1942, les trains partaient directement de Drancy, via la gare du Bourget puis celle de Bobigny à partir du 18 juillet 1943. Le dernier convoi vers Auschwitz est parti de Drancy le 31 juillet 1944.
Le dernier convoi de Drancy est parti le 17 août 1944. Alors que Paris était presque libéré, Aloïs Brunner voulait faire partir un grand convoi. Le chef de gare de Bobigny a déclaré qu’il n’avait pas de matériel, après avoir garé les wagons en rase campagne. Le grand convoi ne partira pas. Brunner a cependant obtenu un train, avec batterie de DCA, pour organiser sa retraite et celle de ses troupes. L’un des trois wagons a encore emporté 51 déportés juifs, des résistants et des otages, déportés vers Buchenwald.

Le camp a été libéré le 18 août 1944 : il y avait 1 386 internés, 917 hommes et 469 femmes, dont 64 enfants.
Juste avant le départ des Allemands, les internés-résistants avaient réussi à faire sortir du camp le fichier des internés.

Au total, 73 grands convois, en moyenne d’un millier de personnes mais jusqu’à 1 500 au début de 1944, sont partis de France entre le 27 mars 1942 et le 11 août 1944.
43 en 1942 (42 000 personnes), 17 en 1943 (17 000), 13 en 1944 (15 000).
74 000 personnes au total, auxquelles s’ajoutent les Juifs du Nord et du Pas-de-Calais déportés vers Auschwitz via la Belgique, et des Juifs déportés avec d’autres convois que ceux de Juifs. 76 000 Juifs ont ainsi été déportés de France.

61 convois sont partis de Drancy : sur les 76 000 Juifs déportés de France, 63 000 sont passés par ce camp2. Deux convois sont partis de Compiègne, 6 de Pithiviers, 2 de Beaune-la-Rolande, 1 d’Angers (tous en 1942, car ensuite les convois seront tous formés à Drancy jusqu’à juillet 1944) et 1 de Lyon en août 1944. Deux transports moins nombreux sont partis directement du Sud, l’un de Toulouse le 30 juillet 1944 et l’un de Clermont-Ferrand le 18 août 1944.

Les déportés ont été dirigés surtout vers Auschwitz : tous les 43 convois de 1942, 13 des 17 convois de 1943, 12 des 14 convois de 1944. En tout, 68 convois, soit 68 921 personnes. Le dernier convoi vers Auschwitz est parti le 11 août de Lyon. Quatre convois sont partis de Drancy vers Maïdanek et Sobibor (en Pologne) en 1943, deux sont partis de Drancy vers Kaunas (Kaunas-Krovno en Lituanie) et Reval (Reval-Tallin en Estonie) en 1944. Le convoi de Toulouse en 1944 a été dirigé vers Buchenwald et Bergen-Belsen.

Sources :
Le Calendrier, Vichy-Auschwitz et Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld, 1993, 1983 et 1978.
Les camps de la honte, Les internés juifs des camps français 1939-1944, Grynberg Anne, La Découverte, 1999.
Le Cercil, Centre d’études et de recherche sur les camps d'internement du Loiret et la déportation juive, créé en 1991, situé à Orléans, fait un travail considérable de documentation, de recherche et de pédagogie, et publie de nombreux livres. Voir son site web.

1. Tous les camps de regroupement en France étaient sous administration de la police française. En 1955 cependant, lorsqu’il réalisera Nuit et Brouillard, Alain Resnais n’obtiendra le visa de la censure qu’en supprimant le képi français que l’on apercevait dans un plan du film.

2. D’autres départs de Drancy, en dehors de ces grands convois, étaient aussi organisés : par exemple ceux des femmes des prisonniers de guerre, les 2 mai (38 femmes et 35 enfants) et 21-23 juillet 1944 (85 femmes et 29 enfants) vers Bergen-Belsen.

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